Dans le cadre de sa campagne
mondiale « Halte à la violence
contre les femmes ! », Amnesty
International a publié, en mars 2005,
son rapport consacré à celles que subissent
les femmes palestiniennes, intitulé
« Les femmes face au conflit, à l’occupation
et au patriarcat ».
Ce rapport permet dans une large mesure
de mettre en lumière l’impact sur les
femmes des exactions commises par
l’armée israélienne et d’examiner les
violences liées au genre au sein de la
famille.
Si le titre de l’étude peut laisser entendre
que les coutumes patriarcales et l’occupation
seraient d’une égale manière les
causes des violences exercées contre les
femmes, l’approche est beaucoup plus
nuancée dans le contenu du rapport. Il
montre plutôt comment le conflit et
l’occupation contribuent pour une large
part à l’exacerbation des violences commises
contre les femmes dans la sphère
familiale elle-même.
Exactions de l’armée israélienne
Tout au long du rapport, des séries de
témoignages et d’extraits de rapports
des organisations internationales étayent
les traitements inhumains réservés aux
femmes par l’armée israélienne. Amnesty
International passe ainsi au crible les
violations des droits humains commises
dans les Territoires palestiniens occupés
et leurs impacts sur les femmes.
– Attaques israéliennes
Amnesty rappelle « les tirs injustifiés et
inconsidérés » fréquents des militaires
israéliens et la « pratique consistant à
tirer au hasard en direction de vastes
zones d’habitation densément peuplés de
civils » qui tuent et blessent femmes et
enfants sous prétexte de vouloir tuer des
activistes palestiniens. « Islam Abdullah
Taha, âgée de 25 ans, enceinte de
sept mois, et Khawla, sa fille de 18 mois,
ont trouvé la mort le 12 juin 2003 sous
les tirs de roquette d’un hélicoptère de
combat israélien qui visait leur voiture
circulant au milieu de l’après-midi dans
une rue animée du centre de Gaza. La
cible de l’attaque était Yasser Mohammed
Ali Taha, le mari d’Islam, qui a
également été tué. Quatre passants ont
été tués et une vingtaine d’autres blessés,
dont plusieurs enfants. »
– Destructions des maisons
Les destructions de maisons ont aussi des
répercussions directes sur les femmes
qui avec leurs enfants sont des dizaines
de milliers à se retrouver sans-abri et
dans le dénuement. Depuis 2001, plus
de 4000 maisons ont été détruites par
l’armée israélienne à Gaza et en Cisjordanie.
– Accès au soins médicaux
Le rapport développe également longuement
les restrictions en matières
d’accès aux soins médicaux imposées par
les Israéliens avec le Mur, les bouclages,
check-points, et couvre-feux. C’est ainsi
que Rula Ashtiya, comme de nombreuses
autres femmes, « s’est vue refuser le
passage par des soldats israéliens et a
été contrainte d’accoucher sur un chemin
de terre à côté du poste de contrôle
de Beit Furik. Son bébé est mort quelques
minutes plus tard ». Ces péripéties dramatiques
entraînent aussi des changements
de vie que les femmes s’imposent
pour ne pas se retrouver dans ces
situations. Certaines décident désormais
d’accoucher chez elles pour ne pas
prendre le risque de vivre l’horreur de
ce qu’a subi Rula et d’autres partent des
semaines avant leur accouchement chez
un membre de la famille qui habite près
d’un hôpital.
– Accès à l’éducation
Les barrages et autres restrictions de
mouvement imposés aux Palestiniens
entrave leur droit à l’éducation dont
l’accès affecte davantage les femmes
que les hommes. Les trajets pour se
rendre à l’université étant beaucoup plus
longs pour les étudiants n’habitant pas
en ville, sont devenus plus coûteux pour
les familles qui, pour les plus pauvres,
privilégient l’éducation des garçons qui
trouveront plus facilement un travail
mieux rémunéré.
Les femmes doublement victimes
Les routes de contournement, le Mur, les
check-points et couvre-feux ayant une
répercussion directe sur l’accès des
femmes à l’éducation, à la santé et au travail
les rendent encore plus vulnérables
au sein même de la société palestinienne et rendent plus difficile la défense de
leurs droits.
La violence au sein des familles a particulièrement
augmentée depuis le déclenchement
de la deuxième Intifada avec
la militarisation du conflit et la dégradation
de la situation sécuritaire et économique
qui ont exacerbé le contrôle
exercé par les hommes sur les femmes
palestiniennes. Les lois existantes sont
discriminatoires envers les femmes et
n’offrent pas une protection suffisante
aux victimes de violences domestiques.
Amnesty recommande une réforme de
la législation en matière de protection
des femmes, pour la prise en compte
des mécanismes juridiques permettant
aux femmes d’exercer des recours contre
les abus dont elles peuvent être victimes.
Selon Amnesty, l’Autorité palestinienne
doit ainsi doter la justice palestinienne
de moyens légaux lui permettant
d’ouvrir des enquêtes débouchant sur
la condamnation des responsables de
viols ou de crimes d’honneur.
La militarisation croissante du conflit et
de l’occupation ont entraîné une détérioration
alarmante de la situation des
droits humains en Cisjordanie et dans
la bande de Gaza et une augmentation
sans précédent de la pauvreté, du taux
de chômage et des problèmes de santé,
qui touchent toute la société palestinienne.
Mais tout ceci contribue à reléguer
au second plan les conditions de vie
des femmes palestiniennes, souvent victimes
silencieuses. En dénonçant à la
fois les exactions commises par une
armée israélienne qui ne fait aucune
distinction entre les hommes, les femmes,
les enfants, les personnes âgées ou les
femmes enceintes et les violences domestiques
contre les femmes palestiniennes,
le rapport permet de remédier à ce silence
et de rendre un tout petit peu justice à
toutes ces victimes.
Rabab Khairy